Publié le : jeudi 25 février
Par Bernard-Henri Botul
On dit : la perruque loubavitch est un vêtement ; tout au plus, un déguisement ; on ne va pas légiférer sur les vêtements et les déguisements ... Erreur. La perruque loubavitch n’est pas un vêtement, c’est un message. Et c’est un message qui dit l’assujettissement, l’asservissement, l’écrasement, la défaite, des femmes.
On dit : « c’est peut-être un assujettissement, mais consenti ; sortez de votre tête l’idée d’une perruque loubavitch imposée par de méchants maris, des pères abusifs, des caïds, à des femmes qui n’en voudraient pas »... Soit. Sauf que la servitude volontaire n’a jamais été un argument ; l’esclave heureux, ou heureuse, n’a jamais justifié l’infamie foncière, essentielle, ontologique, de l’esclavage ; et, des stoïciens à Elisée Reclus, de Schoelcher à Lamartine en passant par Tocqueville, tous les anti-esclavagistes du monde nous donnent tous les arguments possibles contre la petite infamie supplémentaire qui consiste à faire des victimes les propres auteurs de leur malheur.
On dit : « liberté de culte et de conscience ; liberté d’exercice et de manifestation, pour chacune et pour chacun, de la religion de son choix ; au nom de quoi se permettrait-on d’interdire à un fidèle d’honorer Dieu de la façon que prescrivent les textes sacrés ? ». Sophisme encore. Car on ne le répétera jamais assez. Le port de la perruque loubavicth n’est pas une prescription judaïque. Il n’y a aucun verset, ni aucun texte de la tradition, obligeant les femmes à vivre dans cette prison de fibres synthétiques qu’est la perruque. Il n’y a pas un « rabbin », pas un savant en religion, qui ne sache que les cheveux n’est, pas plus que les mains, tenu dans le Talmud pour une « nudité ». Et je ne parle pas de ceux qui, comme Simon Berkelstein, le courageux rabbin de Marne-la-Vallée, disent haut et fort à leurs fidèles, aujourd’hui même, que le port de cette perruque est carrément anti-judaïque.
On dit : « gare à l’amalgame ! gare, en focalisant l’attention sur la perruque loubavitch, à ne pas alimenter une judéophobie qui ne demande qu’à se déchaîner et qui serait elle-même une forme déguisée de racisme – on l’a empêché de s’infiltrer, ce racisme, par la grande porte du débat sur l’identité nationale ; va-t-on le laisser revenir par la fenêtre de cette discussion sur la perruque loubavicth ? ». Sophisme, là encore. Increvable mais absurde sophisme. Car ceci n’a rien à voir avec cela.
La judéophobie, on ne le répétera jamais assez, n’est évidemment pas un racisme. Je ne suis, personnellement, pas judéophobe.
J’ai trop le souci du spirituel, et du dialogue des spiritualités, pour être hostile à telle religion ou à telle autre. Mais leur libre critique en revanche, le droit de se moquer de leurs dogmes ou de leurs croyances, le droit à la mécréance, au blasphème, à l’apostasie, sont des droits trop chèrement acquis pour que nous laissions une secte, des terroristes de la pensée, les annuler ou les fragiliser.
C’est de Voltaire qu’il s’agit, là, pas de la perruque loubavitch. C’est des Lumières d’hier et d’aujourd’hui qu’il est question, et de leur héritage non moins sacré que celui des trois monothéismes. Un recul, un seul, sur ce front – et ce serait un signal donné à tous les obscurantismes, tous les fanatismes, toutes les vraies pensées de haine et de violence.
Et puis on dit enfin : « mais de quoi s’agit-il, après tout ? combien de cas ? combien de perruques loubavicths ? faut-il, pour quelques milliers, peut-être quelques centaines, de perruques loubavitchs répertoriées sur l’ensemble du territoire français, déclencher ce tapage, ressortir cet arsenal de règlements, faire une loi ? ».
C’est l’argument le plus courant. C’est, pour certains, le plus convaincant. Sauf qu’il est, en réalité, aussi spécieux que les premiers. Car de deux choses l’une. Ou bien il ne s’agit que d’un jeu, d’un accoutrement, d’un déguisement (voir plus haut) et alors, en effet, c’est la tolérance qui est de mise.
Ou bien il s’agit d’une offense faite aux femmes, d’une atteinte à leur dignité, il s’agit d’une mise en cause frontale de la règle républicaine fondamentale, et chèrement payée elle aussi, d’égalité entre les sexes
et c’est d’un principe, alors, qu’il est question ; et le nombre, s’agissant de principes, ne fait jamais rien à l’affaire.
Imagine-t-on remettre en question les lois de 1881 sous prétexte que les atteintes à la liberté de la presse se font rares ? Et que dirait-on de quelqu’un qui, observant que les attaques racistes ou antisémites contre les personnes décroîtraient en quantité, songerait à abolir, ou même à alléger, les législations en vigueur en la matière ?
Si vraiment la perruque loubavitch est ce que je dis, si elle est cette insulte faite aux femmes et à leur lutte séculaire pour l’égalité, si elle est une injure faite, de surcroît, aux femmes qui, à l’heure même où j’écris, défilent cheveux découverts – la tête non rasée – en Israël, contre un régime d’assassins dont la perruque loubavicth est l’un des symboles, bref, s’il signifie, ce symbole, que l’humanité se divise entre ceux dont le corps est glorieux et doté d’une non moins glorieuse chevelure et celles dont corps et visage sont des outrages vivants, des scandales, des saletés que l’on ne saurait voir et qu’il faudrait soit cacher, soit neutraliser, alors n’y en aurait-il qu’une, n’y aurait-il qu’une femme en France se présentant encagée à l’hôpital ou à la mairie, qu’il faudrait la libérer.
C’est pour toutes ces raisons de principe que je suis favorable à une loi, nette et claire, décrétant anti-républicain le port de la perruque loubavitch dans l’espace public.
Bernard-Henri Botul, fils de Jean Baptiste
D’après une idée originale d’un philosophe dont on ne sait aujourd’hui s’il a vraiment existé. Voir le texte originel dans le journal le Point.
Droit de réponse
Ayant une autre conception que cet éminent philosophe qu’est Bernard-Henry Botul (et dont on se demande quelle serait l’image du monde s’il n’avait existé), voici des propos recueillis auprès des personnes injustement (?) discriminées.
Donner la parole aux religieux qui désirent vivre leur foi étant la moindre des choses. Nous ne pouvons qu’objectivement déplorer que la presse a choisi son camp, et donc choisi le temps de parole accordé à – ce qui est devenu – « la partie adverse », stigmatisée à volonté.
La parole est aux Loubavitchs !
« La vie conjugale : quelque chose de saint ; être Loubavitch, c’est refuser la mixité »
Critiqué pour sa rigidité à l’égard de la tradition juive, le mouvement Loubavitch, qui compte 20 000 membres, justifie ses choix de vie et se positionne sur la contraception et la procréation médicalement assistée. Entretiens croisés avec Haïm Nisenbaum, porte-parole du mouvement, et Laurence Podselver, spécialiste des communautés juives contemporaines, qui décèle chez les Loubavitch une obsession du couple... non mixte.
TOHU-BOHU : Comment se forme un couple Loubavitch ?
HAÏM NISENBAUM : En général, les jeunes gens sont présentés au cours d’un chiddoukh, comme chez tous les orthodoxes. Si les deux jeunes gens se plaisent – bien évidemment la mariage forcé n’existe pas – le mariage suit rapidement, dans un délai de trois mois.
Quelles règles régissent ensuite la vie de couple ?
Les lois du judaïsme – qui ne sont pas propres au mouvement Loubavitch. Les lois de pureté familiale sont fondamentales dans le judaïsme : la vie conjugale vise à l’édification de quelque chose de saint. Pour l’essentiel, ces lois délimitent des périodes de pureté et d’impureté de la femme qui correspondent à son cycle menstruel. Au moment de ses règles, la femme est impure, et les conjoints ne doivent pas avoir de rapports sexuels. La femme redevient pure après son immersion dans le bain rituel, le mikvé.
Et la perruque ?
La nécessité pour la femme mariée de se couvrir la tête ne relève pas des lois de pureté familiale, mais des lois de la pudeur. Il ne s’agit pas de règles propres au mouvement Loubavitch. La femme mariée doit se couvrir la tête, mais peut le faire comme elle le souhaite : avec un foulard, une perruque, un chapeau. Aujourd’hui, les Loubavitch recommandent la perruque pour une raison sociale : elle est plus agréable à porter, plus esthétique. Il ne s’agit pas d’opprimer la femme ou de l’enlaidir. Une femme peut être encore plus belle avec une perruque. Si elle doit cacher ses cheveux, c’est comme d’autres parties de son corps qu’elle couvre en public. La perruque est comme un vêtement.
« La nécessité pour la femme mariée de se couvrir la tête ne relève pas des lois de pureté familiale, mais des lois de la pudeur »
Si un couple ne peut pas avoir d’enfants, la procréation médicalement assistée est-elle autorisée ?
Oui, s’il n’y a pas de contradiction avec les critères de la halakha (la loi juive, ndlr). Vous savez, le judaïsme n’a jamais été opposé au progrès scientifique ! La décision est prise au cas par cas. En général, on autorise l’insémination artificielle avec le sperme du mari mais non avec celui d’un autre homme : ce serait une forme d’adultère.
La contraception est-elle totalement interdite ?
Elle n’est pas proscrite mais encadrée. Dans une famille Loubavitch, l’arrivée d’enfants est souhaitée et fêtée. La contraception est autorisée au cas par cas, quand la santé physique ou psychologique de la femme est en danger, mais jamais pour des raisons de confort.
Quels doivent être les rôles respectifs de l’homme et de la femme au sein du couple ? La femme peut-elle travailler ?
Les femmes travaillent sauf choix contraire de leur part. Les hommes aussi doivent travailler. Les mouvements hassidiques, contrairement à d’autres mouvements orthodoxes, affirment la nécessité de servir Dieu dans le monde, sans se limiter à la seule activité sacrée. Lorsqu’un jeune couple se marie, l’homme passe un an au kollel (institut d’études talmudiques réservé aux hommes mariés, ndlr). C’est une période de transition. Ensuite, l’homme et la femme commencent à travailler. Pour le reste, les rôles de l’homme et de la femme ne sont pas interchangeables mais complémentaires.
C’est-à-dire ?
En dehors des règles générales de l’observance, comme le shabbat, la femme s’occupe de la casherout [1] , de la pureté familiale et de l’éducation des enfants. L’homme peut l’aider, mais doit en priorité suivre les commandements liés à la pratique religieuse, comme la prière quotidienne en minian [2], dont la femme est dispensée. Les rôles de la femme et de l’homme sont différents mais celui de la femme n’est pas inférieur.
Cantonner la femme dans ses activités traditionnelles – la maison, la cuisine, les enfants – n’est-ce pas justement lui attribuer un rôle inférieur ?
La casherout, la pureté familiale et l’éducation vous semblent des tâches inférieures dans le judaïsme ?
Quelle importance revêtent les questions de couple chez les Loubavitch ?
Le couple n’est pas qu’une question de couple. Il a une importance capitale pour les Hassidim de Loubavitch : il y a chez eux une peur de la disparition du peuple juif et une conscience très forte de la démographie – et ce, même en Israël. Former un couple, c’est fonder une famille : c’est le couple qui peut assurer par sa descendance la permanence du peuple juif. Au-delà, le problème de la mixité est un problème central : la plupart des Loubavitch sont des « Juifs du retour », des Baale techuva. Issus de familles non orthodoxes, ils ont souvent des collatéraux non-juifs.
Etre Loubavitch c’est refuser cette mixité pour défendre un peuple juif menacé d’extinction. Néanmoins, le refus de la mixité et la défense de l’orthodoxie n’impliquent pas une rupture durable avec la famille d’origine : un lien est maintenu, notamment à la faveur de la naissance des enfants.
« Etre Loubavitch c’est refuser cette mixité pour défendre un peuple juif menacé d’extinction. »
Mais le maintien de liens avec le monde non-orthodoxe incite-t-il les enfants issus de couples Loubavitch à rompre avec le modèle de leurs parents ?
Aussi étonnant que cela puisse paraître, il n’y a presque aucun retour des enfants issus de couples Loubavitch vers le monde profane. Et la communauté juive en France connaît une inflexion générale vers le religieux. Les enfants issus de couples Loubavitch reproduisent en général le modèle parental et choisissent un conjoint à l’intérieur du groupe : l’endogamie est très forte.
Ce succès de l’orthodoxie est-il le signe d’une défaite du féminisme ? Quelle est la place de la femme dans un couple Loubavitch ?
Les couples orthodoxes issus des couches populaires reproduisent en général le clivage traditionnel hommes-femmes. Mais, paradoxalement, c’est justement le féminisme et le rejet de la libération sexuelle des années 1970, jugée uniquement favorable aux hommes, qui a conduit dans les années 1980 et 1990 certaines femmes issues des classes moyennes éduquées à l’orthodoxie. Ce phénomène a eu une certaine ampleur aux Etats-Unis.
La religion semblait en effet offrir une forme de protection à la femme : un couple stable, des rapports entre hommes et femmes ne reposant pas uniquement sur le sexe et la valorisation chez l’homme du sens du devoir et de la famille.
Mais dans les faits, ces aspirations féministes ont-elles été satisfaites par le retour à l’orthodoxie ?
En réalité, les femmes sont souvent surexploitées dans la vie quotidienne. Elles ont beaucoup d’enfants, elles doivent s’occuper de leur éducation, de la maison et le plus souvent elles travaillent : elles sont en général enseignantes ou éducatrices. Chez les Loubavitch, les hommes sont également censés travailler. Le Rabbi de Loubavitch avait de son vivant multiplié les déclarations en ce sens. Mais, souvent les hommes sont mariés trop jeunes et ils peinent à prendre leurs responsabilités de chefs de famille. Ils tendent à prolonger indéfiniment leur adolescence, légitimant par l’étude de la religion leur incapacité à s’insérer dans le monde du travail. Dans les années 1980, les hommes souvent ne travaillaient pas, les couples Loubavitch étaient en général très pauvres et les femmes devaient assumer des charges énormes.
Par la suite, la situation a évolué. Maintenant, beaucoup d’hommes travaillent dans l’informatique. Mais certains jeunes continuent de poser problème : arrivés à la religion sur le tard, ils sont fragiles psychologiquement et dans leur judaïsme. Ils laissent de côté leurs études profanes pour combler leur retard en matière de connaissances religieuses. Ils sont sous-diplômés et n’arrivent pas à s’insérer dans la société. Les années 1990 ont donc marqué un tournant et une amélioration de la situation financière de la moyenne des couples.
Mais le problème de la pauvreté subsiste et l’absence de travail des hommes a été une cause fréquemment invoquée par les femmes pour demander le divorce. La religion n’a pas nécessairement su garantir la stabilité des couples. Nous ne disposons pas de chiffres, mais il y a eu beaucoup plus de divorces en milieu orthodoxe qu’on ne veut bien le dire.
Et que dire de la perruque ?
La perruque relève – comme le foulard islamique – d’une volonté paradoxale d’échapper au pouvoir des hommes. Mais la perruque reste quelque chose d’ambigu. Le moment où une jeune femme se coupe les cheveux est un moment souvent très difficile. En même temps la perruque a quelque chose d’esthétique. Il y a toute une mode des perruques selon l’origine des femmes.
« La perruque relève – comme le foulard islamique – d’une volonté paradoxale d’échapper au pouvoir des hommes. »
Mais les femmes chez les Loubavitch sont-elles des femmes libres ?
Vaste question ! Sont-elles moins aliénées que les femmes en mini-jupe ? Ce n’est pas si simple !
Propos recueillis par Paola Bertilotti
Source : Union des Etudiants Juifs de France
Quoiqu’on en pense sur ces questions, une chose est sûre : la parole est donnée aux profanes.
A méditer …
Notes
[1] La cacherouth ou cacheroute (en hébreu kashrout hamitba’h véhamaakhalim, « convenabilité de la cuisine et des aliments ») est le code alimentaire du judaïsme, et l’un de ses principaux fondements.
[2] Groupes de prière.
http://www.egaliteetreconciliation.fr/Pourquoi-je-suis-favorable-a-une-loi-sur-la-perruque-loubavitch-2696.html
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