Thursday, April 16, 2009

Tariq Ramadan: Obama is right


Les arguments qui placent la Turquie hors de l'histoire et de la géographie européennes ne tiennent pas à l'analyse. Pendant plus de quatre cents ans l'Empire ottoman a partagé et déterminé l'avenir politique et stratégique du continent. Il fut "l'homme malade" de l'Europe jusqu'au siècle dernier, et aujourd'hui encore son poids historique et économique reste déterminant. Redessiner les contours géographiques de l'Europe selon l'idéologie ou les nécessités politiques du moment ne trompe personne : en usant des mêmes critères, Chypre devrait aussi être hors de l'Europe, et ce découpage fait fi de l'histoire autant que des réalités concrètes du terrain où se mêlent les origines, les mémoires et les cultures. Environ 40 % de la population turque a une origine ethnique européenne, et des millions de Turcs ont déjà acquis la nationalité d'un pays européen.

Les vraies questions sont donc ailleurs, et il faut les regarder en face. Au lieu d'être obsédés par la question culturelle et religieuse (la peur de l'islam), les dirigeants européens feraient bien de développer une vraie vision géostratégique pour l'avenir : la Turquie est incontournable quant aux relations avec l'Iran, la Syrie, l'Irak et l'Asie centrale, et ses poids économique autant que militaire devraient être intégrés à une politique européenne de proximité et de stabilisation en Asie et au Moyen-Orient.

Par deux fois, récemment, le gouvernement turc a refusé de se plier aux requêtes américaines, prouvant qu'il était capable d'indépendance. L'Europe ne peut pas reprocher aux Etats-Unis leur unilatéralisme et ne se donner aucun moyen de développer une politique étrangère autonome. La cacophonie qui règne autour de ces questions est troublante : les Etats-Unis, la Chine et l'Inde n'ont pas à craindre la puissance de l'Europe, puisque celle-ci travaille contre elle-même avec ses divisions et son absence de politique commune.


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